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les ecrits d'un être merveilleux parti trop tôt!
16 mai 1999

mots

NB : les verbes peuvent être conjugués comme vous voulez, et vous pouvez faire d'un singulier un pluriel ou inversement. - farouche - respirer - tenace - présage - pâle - vertige - exil - agenouillement - éphémère - infaillible - taire - axe -Anne- Nadine était PÂLE. Elle sentait l’électricité de l’air, l’angoisse de cet instant.Elle ne le sentait pas, ce coup. Elle ne le sentait pas du tout. Elle avait un mauvais PRESAGE. Même un très mauvais PRESAGE. - Il m’a fait un affront ! Un affront ! Et il faut qu’on le lave, devant toute la cité ! Me faire traiter de gagne-petit, par cette broc de Serge ! Elle n’avait entendu que ça, toute la journée. Elle avait cherché en vain de lui faire comprendre que leur avenir à eux deux importait plus, que l’enfant qu’elle portait devrait l’inciter à prendre l’EXIL de cette cité qui ne contenait plus que des zombies. Elle lui avait dit combien tout cela était EPHEMERE : un affront aujourd’hui, mais un boulot et une famille demain. C’était là qu’il fallait qu’il voie. Pas ailleurs. Mais il n’avait rien voulu entendre. Pire, il l’avait forcé à se TAIRE . - Tais-toi ! Tais-toi Nadine, t’entends ! Tu m’énerves, là ! Et quand je suis énervé, tu le sais, je fais des choses qui dépasse ma pensée. Alors tais-toi ! putain ! Pourtant, elle était TENACE, Nadine, d’ordinaire. Mais là ! Devant une volonté si FAROUCHE de passer outre toutes les règles élémentaires du bon sens, elle n’avait trouvé d’autre solution que de s’humilier : elle l’avait supplié à genou de laisser tomber. Mais même devant l’AGENOUILLEMENT de sa femme, de la future mère de son enfant, il était resté inflexible. Il semblait complètement déconnecté des réalités. Il n’avait aucune conscience du danger qu’il courait. Il en sortirait vainqueur, c’était sûr, il ne pouvait en être autrement. Pire : il lui en voulait de douter ainsi de ses capacités, de ne pas croire qu’il puisse être INFAILLIBLE. La nuit commençait à tomber. Le salon infestait la cigarette : elle avait passé l’après-midi à tourner en rond autour de la table basse. Elle avait fumé un paquet entier. Et dire qu’une petite vie s’éveillait en elle, elle l’enfumait dès avant sa naissance. Son père s’apprêtait à se suicider pour avoir simplement été traité de gagne-petit. L’angoisse montait. Franck ne tarderait pas à sortir de sa chambre, pour qu’ils se rendent à l’entrée de l’autoroute. Toute la cité les attendait. Même plus. Toute la ville, ou presque. Si seulement les flics voulaient empêcher ce carnage. Si seulement... Elle avait passé son après-midi entière avec des “ si seulement...”. L’angoisse était telle que le simple fait de RESPIRER lui était difficile. Elle était complètement nouée. Dans tous les sens du terme. Elle entendit le cliquetis de la porte de leur chambre. Il sortait. Le signe du départ, l’aller simple vers la mort. - Nadine ! Ramène-toi, c’est l’heure. Dans moins d’une heure ce fils de pute ne RESPIRERA plus ! Elle préféra se TAIRE, et le suivit. Elle avait eu beau se douter que beaucoup de monde serait présent, elle n’imaginait pas que la mort puisse attirer une telle foule. Les voitures vrombissaient. Les phares aveuglaient. Le brouhaha assourdissait. Mais déjà Nadine ne les entendait plus. Elle pensait à ce qui allait arriver. Elle avait pris un LEXOMIL entier. Ses yeux s’humidifiaient. D’épaisses larmes coulaient le long de ses joues. Elle ne savait que trop bien ce qui allait advenir. Officiellement, ils devaient s’engager tous les deux en même temps sur l’AXE autoroutier. En sens inverse. La course durait tant que l’un des deux pilotes n’avait pas abandonné, ou eu un accident. La voiture s’arrêta. Ils étaient arrivés. Elle sortit pour voir l’ambiance. Elle put y entendre que les paris donnant son mec gagnant étaient les plus importants. Mais ils n’arrivaient qu’en seconde position. La majorité avait parié sur la mort des deux. Logique. Elle s’approcha de la rambarde, toujours en larmes. Elle avait le VERTIGE. Pas celui que l’on ressent face à un précipice. Non, celui, bien plus terrible qui assaille ceux qui voient la mort. Elle la sentait, elle la voyait. Elle savait. Franck laissa ses copains. Il vint vers elle et l’embrassa. Le plus fougueux baiser qu’ils n’aient jamais eu. Il embrassa son ventre, son fils. Il était bien plus décontracté. Il n’avait plus envie de lui crier dessus. Il était redevenu doux. - À tout a l’heure, tous les deux. Je vous aime. On va lui montrer comment est monté son père. Sur ce, il disparut. Il prit place dans sa voiture. Les vrombissements reprirent, mais cette fois-ci, il ne concernait que deux engins. Les drapeaux s’agitèrent. Le départ fût donné. Le premier crash retentit seulement vingt secondes plus tard. Le second après au moins une minute. Le pilote gagnant n’avait pas dû réussir à se sortir de l’autoroute. Visiblement, plusieurs voitures étaient en cause. Tout le monde devait décamper avant que les flics ne se pointent. Lisa, la meilleure amie de Nadine vint la prendre par le bras et l’installa dans sa R5. Nadine était comme un pantin qu’il fallait aider pour chaque mouvement. Lisa lui donna deux Rohypnols. Elle passa la nuit chez elle. Le lendemain matin elle put lire dans le journal local que c’était bien Serge qui avait eu le premier accident. Il avait heurté de plein fouet une BX rouge qui roulait à 160 à l’heure. On dénombrait six morts : les occupants de la BX : un couple et leur trois enfants, plus Serge. Franck était mort 25 secondes plus tard exactement. Sa 206 avait été fauchée par un camion alors qu’il tentait de rejoindre la bande d’arrêt d’urgence. Il eut le privilège de mourir sur le coup. Ce qui ne fût pas accordé aux occupants de la BX : deux des enfants périrent dans l’ambulance qui les transportait, le troisième dans le courant de la nuit, à l’hôpital. Nadine savait maintenant qu’elle élèverait son fils seule. Elle savait au moins qu’elle l’appellerait Franck. Il naquit trois mois jours pour jours après la mort de son père, prématuré de trois semaines.
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